Les Evenks : gardiens des richesses yakoutes - Natalya Saprunova 

.Le Nord de la Russie recèle d'innombrables richesses comme l'or, les diamants, mais aussi les cultures indigènes. Celle des Evenks, en Yakoutie, survit tant bien que mal en compagnie des industriels qui exploitent leurs terres sacrifiées sur l'autel de la croissance économique. Peuple autochtone d'éleveurs de rennes, ce sont eux qui ont guidé les explorateurs russes vers les gisements, permettant le développement industriel de l'Union soviétique. Aujourd'hui, la taïga est massivement abattue, les lits des rivières sont saccagés et les nappes phréatiques sont polluées. Les Evenks le regrettent d'autant plus qu'ils espéraient un meilleur lendemain pour leurs enfants.

Evenks, les gardiens des richesses yakoutes - Natalya Saprunova Le 29 juillet 2022, sur une rive du lac Baïkal, les Evenks de toute la Russie se réunissent pour la première fois. Peuple autochtone d'éleveurs de rennes, ils ont trouvé dans le Congrès toungouse l'occasion de visiter leur site originel, berceau de leur culture. Plus récemment, les Evenks occupaient un vaste territoire allant du fleuve Ienisseï au Kamtchatka, de la Yakoutie jusqu'à la Chine. Pour un Evenk, la nature qui l'entoure est toute sa vie. Chasseurs de tradition, ils sillonnaient les forêts orientales de Sibérie depuis des siècles. Ainsi, les Evenks se sont installés dans les taïgas de Yakoutie, au milieu des mélèzes, des myrtilliers et des mousses de renne. Ils vivaient en présence du cerf, de l'élan, de l'ours brun, du renard, du grand tétras, de la zibeline, du taïmen, du brochet, du corégone, de la perche et de la truite. Ce n'est donc pas un hasard si la toponymie des sites naturels a des racines evenkes. Pour leur noblesse, leur aisance et leur courage, on appelait ces nomades « les aristocrates de Sibérie ».

Le costume officiel des hommes, semblable à une queue-de-pie, leur a même valu le surnom de « Français de la forêt ». Ce sont eux, les Evenks de Yakoutie, qui ont guidé les prospecteurs russes vers les richesses du sous-sol, jouant le rôle de mushers pour les géologues à qui ils ont appris à survivre dans un climat rude. Comme bon nombre de peuples autochtones ailleurs sur le territoire, ils ont permis le développement industriel de l'Union soviétique. Aujourd'hui, la Russie est le troisième producteur d'or, tandis qu'un diamant sur trois extraits dans le monde provient de Yakoutie.

Tant bien que mal, les Evenks cohabitent avec les industriels qui exploitent leurs terres sacrifiées sur l'autel de la croissance économique. Ils le regrettent d'autant plus qu'ils espéraient un meilleur lendemain pour leurs enfants. La taïga est massivement abattue, les lits des rivières sont saccagés, les nappes phréatiques sont polluées, et les expertises ethnologiques en prévention de chaque chantier ne sont que trop rares, alors que la loi l'exige 1 systématiquement. La préservation des milieux naturels est pourtant la priorité des Evenks. Sans les rennes et l'environnement qui les nourrit, ils ne pourront plus exister en tant que peuple. Mais qui mieux qu'eux saurait prémunir la planète des bouleversements climatiques ?

Eux, ces indigènes attachés à leurs terres, ces autochtones des quatre coins du monde. Ils font partie intégrante des écosystèmes. Ils les comprennent et savent les entretenir. Écoutons-les ! Même la fonte du permafrost pourrait avoir une solution locale. L'événement est catastrophique pour les régions septentrionales, mais il affecte aussi l'ensemble du globe avec la libération de méthane et de dangereuses bactéries. À Chersky, en Yakoutie, le directeur de la Station scientifique du Nord-Est a sa petite idée sur la question : Nikita Zimov a repris le flambeau de son père pour expliquer combien les grands herbivores sont importants pour équilibrer le milieu. En été, ils gardent l'herbe rase, limitant le développement des arbres qui absorbent la chaleur du rayonnement solaire.

En hiver, ils dégagent la neige et permettent à la terre de se refroidir plus vite. Les rennes y ont bien sûr leur place, mais aussi yaks, bisons, chevaux, chèvres… in fine, cela vaut peut-être mieux que tout l'or du monde ?

L'expertise ethnologique est définie par la loi "Sur les garanties des droits des minorités autochtones de la Fédération 1de Russie" de 1999 comme une étude scientifique de l'impact des changements dans l'habitat d'origine des minorités et la situation socioculturelle sur le développement d'une ethnie. 

© Natalia Saprunova